Le Ver Gris Occidental du Haricot (VGOH) (Striacosta albicosta) a suscité un intérêt accru ces dernières années à la suite de l’expansion de son aire de répartition vers l’est (Hutchison et al., 2011). Dans ce numéro de Points de vue sur les cultures, nous vous présentons la perspective de nos collègues sur le terrain et nous examinons les pratiques de gestion du VGOH dans les cultures de maïs.
Dans une grande partie de la zone de production de maïs en Amérique du Nord, le VGOH est un ravageur secondaire occasionnel du maïs. Dans les environnements favorables, le VGOH est cependant un ravageur important pouvant causer des dommages économiques considérables. C’est au début des années 1900 que le ver gris occidental du haricot a été reconnu pour la première fois en tant que ravageur des haricots secs dans l’ouest des États-Unis, puis découvert plus tard dans les systèmes
Figure 1. Aire géographique du ver gris occidental du haricot.
Figure 2. La femelle du ver gris occidental du haricot déposant ses oeufs [A]; oeufs violets indiquant une éclosion imminente [B]; larve mature [C]; piège à seau placé à 1,2 m (4 pi) du sol [D].
Après l’émergence des adultes et l’accouplement au milieu de l’été, les oeufs sont principalement pondus dans la moitié supérieure de la canopée, sur les surfaces supérieures des nouvelles feuilles verticillées du maïs. Toutefois, des masses d’oeufs sont occasionnellement trouvées plus bas dans la canopée, sur les feuilles près de l’épi ainsi que sur la face inférieure des feuilles. Il s’agit là d’une nouvelle observation dans la documentation. En cinq à sept jours, les oeufs passent du blanc au brun clair puis au violet/gris juste avant l’éclosion (Figure 2). Les premiers stades larvaires consomment les coquilles d’oeufs; l’identification des masses d’oeufs après l’éclosion en est donc difficile (Figure 3).
Avant l’apparition de l’épi, les premiers stades larvaires se déplacent vers le haut de la plante jusqu’à l’épi pour se nourrir de pollen avant de redescendre au bas de la plante où ils pénètrent dans l’épi soit par l’extrémité, soit en perçant le côté pour se nourrir de grains. Après l’apparition de l’épi, les premiers stades larvaires peuvent immédiatement percer l’épi pour se nourrir des grains en développement. Les larves matures tombent de la plante et s’enfouissent dans le sol où elles passent l’hiver sous la forme de pré-pupes. Les larves peuvent creuser plus profondément dans les sols sablonneux et les pratiques de travail minimal du sol n’exposent pas les pupes aux intempéries. Ces deux facteurs viennent augmenter le taux de survie et ont été proposés comme favorisant potentiellement leur expansion vers l’est.
Figure 3. Les larves du premier stade du ver gris occidental du haricot consomment le reste de leur coquille d’oeuf avant de se déplacer vers les tissus végétaux.
Les incidences sur le rendement demeure la principale motivation pour surveiller ce ravageur. Pour chaque larve par plante, les estimations de la moyenne de perte de rendement indiquent d’environ 3,7 boisseaux par acre (Appel et al., 1993) jusqu’à environ 15,1 boisseaux par acre (Paula-Moraes et al., 2013) ou plus (Rice, 2006). En plus de la perte de rendement, le risque de réduction de la qualité du grain résultant d’une infestation par le ver gris occidental du haricot constitue une considération majeure pour les zones présentant une forte pression de la pourriture de l’épi. Ce ravageur crée des trous dans l’enveloppe, permettant ainsi aux moisissures et autres spores fongiques de coloniser l’épi en réduisant la qualité du grain et en produisant potentiellement des toxines. Dans les régions où la pression des moisissures de l’épi est constante, comme Gibberella ou Fusarium, les infections secondaires peuvent causer des dommages économiques plus importants que les pertes de rendement directes, car le grain infecté peut devenir un problème au silo-élévateur. La menace d’un déclassement du grain peut suffire à justifier une surveillance de la culture et un traitement insecticide en plus d’un régime fongicide.
Le dépistage des oeufs et des larves dans la culture s’avère la meilleure méthode pour déterminer la nécessité et le moment d’un traitement.
Naturellement, le dépistage prend du temps et sa réussite est compliquée par la distribution éparse des insectes dans le champ, lorsqu’ils sont présents. Pour tirer pleinement profit des ressources de dépistage, concentrez vos efforts pendant les périodes à risque en suivant les vols de papillons et le stade de développement des cultures. Il est important de prendre note que les dommages aux cultures n’ont pas été corrélés aux vols des papillons. En d’autres termes, un compte élevé de vols despapillons n’équivaut pas nécessairement à des niveaux de dommages économiques aux cultures. Par conséquent, nous devons être à la recherche de comptes qui augmentent rapidement pour indiquer le moment où le dépistage sur le terrain doit commencer.
Selon l’endroit, le vol des papillons commence généralement à la fin du mois de juin, s’intensifie en juillet et se poursuit en août, en particulier dans les régions entourant les Grands Lacs. Le pic de vols tend à commencer vers la moitié ou la fin du mois de juillet dans la plupart des endroits. Les données de surveillance des papillons pour 2017 et 2018 montrent des périodes de pic de vols approximatives (figure 4), les pics les plus précoces se produisant, tel que prévu, à des latitudes plus méridionales.
Figure 4. Résultats du piégeage à phéromone du ver gris occidental du haricot pour 2017 et 2018. Les comptes médians de papillons mâles sont présentés pour chaque état/province; les comptes moyens sont présentés pour l’Ontario. Le deuxième pic indiqué pour le Nebraska a été observé en 2017.
Ces comptes mettent en évidence la période relativement longue pendant laquelle le dépistage est nécessaire pour surveiller la présence d’oeufs et de larves. Le compte pour le Nebraska a montré un second pic apparent en septembre pour les postes de piégeage dans le nord-est et le sud-ouest de l’État, là où les pièges peuvent avoir détecté que la suppression des populations locales de ravageurs a été réalisée jusqu’à l’arrêt des tactiques de gestion après le mois d’août. Nos experts sur le terrain conseillent aux agriculteurs d’être conscients de la période de vol prolongé qui peut se traduire par un besoin potentiel d’applications de sauvetage tout au long du mois d’août.
Figure 5. Colonies de moisissures de l'épi établies dans les sites d’alimentation du ver gris occidental du haricot.
L’émergence des adultes est liée aux degrés-jours de croissance. Le moment de la saison de vol peut donc varier d’une année à l’autre (Dorhout, 2007). Les méthodes prédictives fondées sur l’accumulation des degrés-jours de croissance peuvent être utilisées pour estimer le moment approximatif où le dépistage pourrait commencer, tout en sachant que les degrés-jours visés ne correspondent pas nécessairement au vol réel des papillons surtout dans les environnements plus variables, comme ceux de la région des Grands Lacs (Michel et al., 2010). Les variations des conditions météorologiques saisonnières ou locales peuvent avoir une incidence considérable sur le moment de l’émergence et du vol des papillons. Par conséquent, nous continuons à nous fier au dépistage pour déterminer le début de la saison du VGOH.
Le piégeage à phéromone, soit la méthode de surveillance des adultes la plus courante et la plus économique, représente une ressource très précieuse pour suivre le vol des papillons. Ces pièges peuvent détecter efficacement la présence de l’émergence des mâles adultes et l’activité générale de vol. Bien que le piégeage à phéromone ne capture que les mâles, nous nous attendons à ce que l’abondance des femelles corresponde bien aux comptes de mâles, car les femelles émergent généralement quelques jours avant les mâles. Alors que certaines femelles peuvent se disperser sur de longues distances avant de s’accoupler ou de pondre des oeufs, de nombreuses femelles peuvent rester localement pour s’accoupler et trouver ensuite des plantes hôtes pour la dépose des oeufs. Si le compte dans les pièges de votre ferme augmente soudainement au cours de deux dates de piégeage consécutives, il est alors certainement temps de commencer à chercher des oeufs au cours des prochaines semaines.
Dans les zones où le ravageur est bien établi, le nombre absolu de papillons capturés est moins important que les nombres relatifs; c’est-à-dire, les comptes sont-ils à la hausse, stables ou à la baisse?
Lorsque le pic de vols semble avoir commencé, comparez ce moment au stade imminent de votre culture de maïs afin de déterminer si vos champs sont susceptibles d’être attrayants pour les femelles pondeuses ou si le risque d’infestation est minime. Même si le nombre de papillons ne semble pas encore avoir atteint son maximum dans votre région, pensez à inspecter les champs s’ils sont au stade de la panicule.
Les femelles préfèrent pondre avant la panicule du maïs afin de synchroniser l’éclosion des oeufs et l’alimentation préférée des larves sur le pollen, puis sur l’épi. Par conséquent, si la culture est à la fin du stade de l’épiaison et à l’approche de la formation de la panicule végétative (VT) et que cela coïncide avec l’augmentation du compte dans les pièges, le risque d’infestation par le VGOH (et donc de dommages potentiels) s’en trouve augmenté. Une fois le dépistage commencé, nous recommandons la méthode de dépistage de la masse d’oeufs pour déterminer si le seuil d’intervention est atteint. Les seuils d’action peuvent varier d’environ 4 à 8 % des plantes échantillonnées contenant une masse d’oeufs. Des seuils encore plus proactifs (environ 2 %) ont été utilisés lorsque le ravageur est observé en permanence et surtout si le risque de pourriture de l’épi est élevé.
La méthode de dépistage recommandée pour le VGOH consiste à vérifier 20 plantes d’au moins 5 zones de chaque champ. Inspectez chaque plante à partir de la feuille de l’épi, en cherchant les masses d’oeufs sur les faces supérieures et même inférieures des feuilles. Cherchez les larves dans les aisselles ainsi que sur les panicules et les épis. Il est préférable d’utiliser du maïs au dernier stade du verticille, mais prévoyez de faire des dépistages, quel que soit le stade pendant un vol soutenu de papillons. La culture restera attrayante pour les papillons tout au long de la saison. Le risque de dommages économiques diminue au stade mi-laiteux, car les grains durciront bientôt au rythme de leur maturation, en devenant ainsi moins sensibles aux dommages causés par les larves plus petites.
« Le risque de réduction de la qualité du grain résultant d’une infestation par le ver gris occidental du haricot constitue une considération majeure pour les zones présentant une forte pression de la pourriture de l’épi. »
Avec des campagnes d’applications foliaires importantes à travers une région, les populations peuvent être temporairement supprimées, mais étant donné la longue période d’activité du papillon, il faut envisager un dépistage des champs tout au long de la saison si l’activité de vol se poursuit. Dans certaines régions, un deuxième pic de papillons peut avoir lieu plus tard dans la saison. Ce pic fait toujours partie de la même génération annuelle, mais une fois que la majorité des traitements insecticides ont fait effet, la pression continue des papillons est à nouveau observée dans le réseau de piégeage. Ces observations sont plus fréquentes au Nebraska et dans la région des Grands Lacs où le ravageur est désormais une préoccupation « Le risque de réduction de la qualité du grain résultant d’une infestation par le ver gris occidental du haricot constitue une considération majeure pour les zones présentant une forte pression de la pourriture de l’épi. »
permanente. La ponte des oeufs plus tard dans la saison peut échapper aux applications foliaires antérieures et entraîner des niveaux inacceptables de dommages aux épis ainsi qu’une réduction de la qualité du grain. Dans certains cas, une seule application peut ne pas fournir une protection suffisante. Une application au bon moment est la clé pour générer la valeur d’un produit insecticide. De même, le simple fait d’ajouter un insecticide à une application de fongicide aérien peut ne pas fournir le moment optimal pour la lutte contre les insectes.
Une approche simplifiée de la surveillance de ce ravageur permet d’évaluer le risque et le traitement, si nécessaire. Dans les zones où le VGOH est bien établi, utilisez des méthodes de détection fiables pour prévoir les traitements et alterner les modes d’action des insecticides afin de limiter le risque de résistance. L’encadré d’actions (ci-dessous) reflète les phases clés dont il faut tenir compte lors de l’élaboration de votre programme pour gérer ce ravageur. Communiquez avec votre gestionnaire de territoire Corteva Agriscience™ pour obtenir des conseils supplémentaires.
INFORMER vos partenaires d’applications personnalisées si vous prévoyez de sous-traiter des services pour la saison à venir.
SURVEILLER les vols d’adultes à l’aide de pièges à phéromones pour décider du moment des dépistages.
CHERCHEZ les masses d’oeufs et les larves dans les champs.
Utilisez les seuils d’ACTION correspondant à votre tolérance au risque pour informer les tactiques de gestion.
Les auteurs souhaitent remercier les agronomes de terrain de Corteva Agriscience, les partenaires de l’équipe de piégeage du VGOH, le réseau de piégeage du ver gris occidental du haricot de la Coalition canadienne contre les ravageurs du maïs et l’équipe d’innovation et d’amélioration continue des Sciences Terrain Intégrées.
Figure 6. Trous de sortie faits par les larves matures du ver gris occidental du haricot qui migreront vers le sol pour passer l’hiver.
Appel, L. L., R. J. Wright et J. B. Campbell. 1993. Economic injury levels for western bean cutworm, Loxagrotis albicosta (Smith) (Lepidoptera: Noctuidae), eggs and larvae in field corn. (Niveaux de dommages économiques pour le ver gris occidental du haricot, Loxagrotis albicosta (Smith) (Lepidoptera : Noctuidae), oeufs et larves dans le maïs de grande culture.) Journal of the Kansas Entomological Society, 66(4) : 434-438.
Dorhout, D. L. 2007. Ecological and behavioral studies of the western bean cutworm (Lepidoptera: Noctuidae) in corn. Retrospective Theses and Dissertations. (Études écologiques et comportementales du ver gris occidental du haricot (Lepidoptera : Noctuidae) dans le maïs.) Thèses et mémoires rétrospectifs. 14793. https://lib.dr.iastate.edu/rtd/14793
Hutchison, W. D., T. E. Hunt, G. L. Hein, K. L. Steffey, C. D. Pilcher et M. E. Rice. 2011. Genetically engineered Bt corn and range expansion of the western bean cutworm (Lepidoptera: Noctuidae) in the United States: a response to Greenpeace Germany. (Le maïs Bt génétiquement modifié et l’expansion de l’aire de répartition du ver gris occidental du haricot (Lepidoptera : Noctuidae) aux États-Unis : une réponse à Greenpeace Allemagne.) Journal of Integrated Pest Management, 2(3) : 8 p. DOI : http://dx.doi.org/10.1603/IPM11016
Keith, D. L., R. E. Hill et J. J. Tollefson. 1970. Survey and losses for western bean cutworm Loxagrotis albicosta(Smith), in Nebraska (Enquête et pertes pour le ver gris occidental du haricot Loxagrotis albicosta (Smith), au Nebraska.) Compte-rendu de la North Central Branch of the Entomological Society of America, 25 : 129-131.
Michel, A. P., C. H. Krupke, T. S. Baute et C. D. DiFonzo. 2010. Ecology and management of the western bean cutworm (Lepidoptera: Noctuidae) in corn and dry beans. (Écologie et gestion du ver gris occidental du haricot (Lepidoptera : Noctuidae) dans le maïs et les haricots secs.) Journal of Integrated Pest Management, 1(1) : 10 p. DOI : 10.1603/IPM10003
Paula-Moraes, S., T. E. Hunt, R. J. Wright, G. L. Hein et E. E. Blankenship. 2013. Western bean cutworm survival and the development of economic injury levels and economic thresholds in field corn. (La survie du ver gris occidental du haricot et le développement des niveaux de dommages économiques et des seuils économiques dans le maïs de grande culture.) Journal of Economic Entomology, 106(3) : 1274-1285, DOI :https://doi.org/10.1603/EC12436
Rice, M. E. 2006. Eastern movement of the western bean cutworm into Indiana and Ohio. (Déplacement vers l’est du ver gris occidental du haricot dans l’Indiana et l’Ohio.) Compte-rendu de 2006 Indiana CCA Conference, Indianapolis, IN. 9 p.
1Éducateur technique de Corteva Agriscience
2Entomologiste de recherche de Corteva Agriscience
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